.
.

Tuer les animaux qui ne cadrent pas...3


Le long isolement de l’île par rapport au continent a permis l’évolution de plusieurs espèces et sous-espèces de plantes et d’animaux. Les premiers humains à immigrer sur l’île furent les indiens  Chumash qui s’y installèrent il y a environ 10 000 ans. Les européens atteignirent l’île au 18ème siècle et ont introduit par la suite des plantes et des animaux domestiques, en particulier des moutons, des bovins, des cochons et des chevaux (ainsi que, involontairement, des espèces sauvages exotiques). Les activités qui ont modifié le paysage au cours des deux derniers siècles comprennent le pâturage et le fouissage des animaux introduits, le nettoyage de la végétation indigène pour faire place aux plantes cultivées, la coupe d’arbres pour le bois d’œuvre, et la construction de routes et de bâtiments. Même l’extinction par les humains des incendies naturels périodiques, qui jouent un rôle important en maintenant la santé des écosystèmes de Californie du sud, a contribué à modifier le paysage. En réaction à ces changements divers, des populations de plantes indigènes ont diminué. Inversement, les plantes introduites, en particulier le fenouil et le chardon, prospèrent (1). A partir de 1980, lorsque les élevages en ranch ont cessé d’être rentables  pour les quelques propriétaires privés de l’île de Santa Cruz, des opportunités d’acquisition de terres par des groupes intéressés dans la restauration et la conservation surgirent (2). En 1978, The Nature Conservancy fit l’acquisition d’un droit sur les 90%  les plus à l’ouest de l’île,  environ 22 000 hectares,  sur lesquelles elle exerçait le  plein contrôle en 1987. En 1997, le Service des parcs nationaux acheta les 10% orientaux de l’île, environ 2 500 hectares, et les incorpora au Parc national des îles Channel qui avait été créé en 1980. En 2000, The Nature Conservancy céda 3 400 de ces hectares au Service des parcs (3). Dans ces deux zones, les bovins avaient été envoyés sur le continent par leurs propriétaires pour y être abattus, mais un grand nombre de moutons et de cochons, et un petit nombre de chevaux avaient été laissés à l’abandon, libres de vagabonder, et sont ainsi devenus férals. Malgré son nom, The Nature Conservancy ne projetait pas seulement de conserver les populations de plantes et d’animaux précolombiens, mais de restaurer un site précolombien. Les deux objectifs sont similaires, mais non identiques. La conservation permet une éventuelle coexistence des espèces ; la restauration est un genre de nettoyage biologique, un « exorcisme des espèces exotiques » (4) qui exige que tous les éléments européens soient supprimés afin de recréer un site archaïque.  The Nature Conservancy considérait qu’il était nécessaire d’éliminer les moutons aussi vite que possible et, en décembre 1981, elle mit en place un plan de tir pour les éliminer (5).  En  juin 1989, plus de 37 000 moutons avaient été tués. La réussite du programme de restauration a été compromise par certaines de ces conséquences.  L’extermination des animaux brouteurs, par exemple, a favorisé l’expansion non souhaitée du fenouil, qui à présent prédomine sur 10% de  la propriété de The Nature Conservancy et qui se propage plus rapidement que les autres espèces. Une étude remarque que « le facteur le plus important contribuant à la récente expansion du fenouil était la retrait rapide des bovins et des moutons férals de l’île de Santa Cruz»  (6). Dans l’écosystème qui s’est développé durant le 20ème siècle, les activités de pâturage ont joué un rôle bénéfique en limitant l’extension des plantes introduites et en maintenant ainsi sur l’île une communauté biotique diversifiée. C’était le pâturage illimité, plutôt que le simple pâturage, qui était si destructeur. The Nature Conservancy a reconnu que l’élimination des animaux brouteurs avait pu précipiter l’explosion importune du fenouil et essaie à présent d’éliminer le fenouil par une combinaison de feux contrôlés et d’herbicides, qui tuent les plantes indigènes comme les non indigènes (7). Un autre résultat inattendu de la tuerie des moutons a été l’augmentation de la population de cochons férals, qui est passée de plusieurs centaines à plusieurs milliers (8). De plus, les aigles royaux qui  avaient  été  attirés sur 


_______________________


1. Brumbaugh, R.W., 1980, “Recent Geomorphic and Vegetal Dynamics on Santa Cruz Island” in The California Islands, ed. D. M. Power. Santa Barbara ; National Park Service, General Management Plan, 1985, Channel Islands National Park, volume 1. U.S. Department of the Interior, p. 6-10 et 40.
2. Gherini, J. 1994. Santa Cruz Island: “Conflict in the Courts”, in The Fourth California Islands Symposium, p. 165-170, eds. W.L. Halvorson and G.J. Maender,  Santa Barbara.
3. Burns, M. 2000,“Conservancy signs over island's neck”. Santa Barbara News Press August 24: B1
4. Holloway, M., 2000, “Nurturing Nature”, in Environmental Restoration. Ethics, Theory, and Practice, ed. W. Throop. Amherst, NY: Humanity Books, p. 31.
5. Schuyler, P. 1993. “Control of Feral Sheep on Santa Cruz Island” in The Third California Islands Symposium: Recent Advances in Research on the California Islands, ed. F. G. Hochberg. Santa Barbara, p. 443-452.
6. Brenton, B. and Klinger, R. "Modeling the Expansion and Control of Fennel on the Channel Islands," in The Fourth California Islands Symposium, eds. W.L. Halvorson and G.J. Maender. Santa Barbara, p. 497-504 ; Beatty, W. and Licari, S. D. L. 1992, “Invasion of fennel into shrub communities on Santa Cruz Island”,  Madrono 39, p. 54-66 ; Klinger, R.C., Schuyler, P. and Sterner, J.D., 1994.”Vegetation Response to the Removal of Feral Sheep from Santa Cruz Island” in The Fourth California Islands Symposium, 341-350, eds. W.L. Halvorson and G.J. Maender. Santa Barbara.
7. Dash, A. and Gliessman, S.R.,1994, “Non-native Species Eradication and Native Species Enhancement: Fennel on Santa Cruz Island”, in The Fourth California Islands Symposium, p. 505-12, eds. W.L. Halvorson and G.J. Maender. Santa Barbara ; Burns, M. 1997a. Sheep Slaughter Triggers Dispute, Santa Barbara News Press, March; Burns, M., 1997b, “Island Faces New Natural Challenges”, Santa Barbara News Press, April 28 ; Burns, M. 2001. Waging war on wild pigs, Santa Barbara News Press March 12:1. Hamm, K., 1998. Independent, May 7; Aschehoug, E., 2001, Restoring Santa Cruz Island Santa Barbara News Press, March 25: G1.
8. Peart, D., Patten, D.T. and Lohr, S.L., 1994, “Feral Pig Disturbance and Woody Species Seedling Regeneration”, in The Fourth California Islands Symposium, p.314-32, eds. W.L. Halvorson and G.J. Maender. Santa Barbara.