céréales, ni les loups comme des prédateurs qui tuent nos moutons ou nos
bovins. En fait, nous voyons à présent les espèces sauvages sous un jour romantique.
Le loup, par exemple, autrefois chassé jusqu’à la limite de l’extinction, est
passé du symbole effrayant d’une violence déchaînée, au symbole précieux
d’une liberté sans limite. Et, dès lors que nous accordons une grande valeur
aux espèces sauvages, nous nous intéressons aussi à la conservation de leur
habitat. Dans la plupart des cas, ce nouveau système d’évaluation a
produit des résultats positifs et nous a encouragés à prendre en considération
les intérêts des espèces animales et végétales que nous n’avions jamais
domestiquées. Les bisons, par exemple, ne sont plus vus comme nos concurrents
pour l’utilisation de la terre. Les animaux décrits par les chasseurs des
voitures Pullman comme étant maladroits et stupides sont devenus à présent des
symboles de la force et de l’indépendance de l’Amérique. En réalité, bien sûr,
les bisons ne pourraient plus exister sans indépendamment des plans de
gestions humains. Après avoir réduit leur population de plusieurs millions à
plusieurs milliers, nous avons restreint leur déplacement à des zones réservées,
et nous les contrôlons et protégeons à l’intérieur des limites que nous avons
établies. Le processus même qui consiste à gérer des espèces sauvages et à leur
attribuer des réserves brouille les distinctions traditionnelles entre espaces
sauvage et domestique. Ainsi, dans notre monde pastoral post-moderne, nous
sommes devenus, de façon ironique, les bergers des espèces sauvages. Parfois
même nous les amenons au sein de nos espaces urbains pour les soigner. Par
exemple, les renards indigènes de l’île de Santa Cruz ont été emmenés, pour leur
protection, dans un zoo du continent.
Cependant,
tout en étant disposés à approuver la gestion, par les humains, des espèces
sauvages, nous continuons de chérir l’illusion que les espaces sauvages et
civilisés, ou que les activités naturelles et humaines, sont des domaines qui
s’excluent mutuellement. Nous avons conservé la dichotomie conceptuelle
développée par nos ancêtres, mais avec deux modifications importantes pour
cette discussion : nous attribuons désormais une valeur intrinsèque aux
espèces sauvages, mais nous avons retiré les animaux férals de la catégorie
« sauvages ». Sur l’île de Santa Cruz, l’alternative à la tuerie des
moutons était de les classer comme animaux domestiques et de les expédier par
bateau à un marché de bétail, c’est-à-dire de ne leur attribuer qu’une valeur
de marchandise. Pour les biologistes et les dirigeants du Service des
parcs nationaux et de The Nature Conservancy, le processus d’adaptation du mouton
à son environnement n’a aucun intérêt pour l’étude des processus naturels. Dans
les régions que nous choisissons de « re-ensauvager » - un terme
utilisé par certains partisans de la restauration (1) – la présence des animaux férals comme les moutons et les cochons nous offusque
car nous associons ces espèces aux paysages cultivés. Par conséquent, nous
qualifions ces animaux d’« inadaptés » et refusons de les accepter
comme un élément naturel du paysage dans lequel ils sont nés et dont ils sont,
par conséquent, natifs. Frank Mayer a
observé que « le bison ne cadrait pas avec l’envahissante civilisation humaine
…et devait donc disparaître. » Aujourd’hui, moutons et cochons férals ne
cadrent pas avec les projets de restauration ni avec notre vision changeante de
ce à quoi l’environnement non-urbain devrait ressembler, aussi
doivent-ils disparaître. Les mots « introduit » et
« exotique » ont remplacé « prédateur » et « nuisible »
en tant que termes qui destinent un animal à l’extermination.
Les expériences de restauration sur l’île de Santa Cruz ont indiqué que le retrait rapide et total des moutons produisait de nouveaux problèmes écologiques, et qu’un pâturage limité pouvait être une meilleure stratégie si le but était d’assurer la survie des espèces précolombiennes. Néanmoins, de nombreux restaurationnistes plaident pour l’élimination totale des animaux férals. Leur but n’est pas seulement la protection de certaines espèces, ce qui pourrait être obtenue sans en éliminer violemment d’autres, mais aussi la re-création d’un paysage d’antan, d’un site que les humains peuvent visiter, mais où les animaux férals ne sont pas les bienvenus car ils nous rappellent nos pratiques d’exploitation et rompent l’illusion que nous avons construit une wilderness intacte. Nos ancêtres étaient fiers de leur habileté à transformer la wilderness en civilisation ; nous sommes fiers de nos efforts pour redonner à certaines zones cultivées un semblant de leur apparence d’autrefois et nous ne voulons pas que la présence d’animaux férals ruine l’image que nous avons créée.
Le mépris pour les animaux férals est lié au mépris pour les animaux domestiques exprimé par nombre d’environnementalistes, même s’ils apprécient les produits des industries de la viande et de la laine, causes de dommages à l’environnement et bio-uniformes. Par exemple, les écologistes profonds ont soutenu que le développement de l’agriculture avait initié une séparation regrettable entre les humains et la « nature »
Les expériences de restauration sur l’île de Santa Cruz ont indiqué que le retrait rapide et total des moutons produisait de nouveaux problèmes écologiques, et qu’un pâturage limité pouvait être une meilleure stratégie si le but était d’assurer la survie des espèces précolombiennes. Néanmoins, de nombreux restaurationnistes plaident pour l’élimination totale des animaux férals. Leur but n’est pas seulement la protection de certaines espèces, ce qui pourrait être obtenue sans en éliminer violemment d’autres, mais aussi la re-création d’un paysage d’antan, d’un site que les humains peuvent visiter, mais où les animaux férals ne sont pas les bienvenus car ils nous rappellent nos pratiques d’exploitation et rompent l’illusion que nous avons construit une wilderness intacte. Nos ancêtres étaient fiers de leur habileté à transformer la wilderness en civilisation ; nous sommes fiers de nos efforts pour redonner à certaines zones cultivées un semblant de leur apparence d’autrefois et nous ne voulons pas que la présence d’animaux férals ruine l’image que nous avons créée.
Le mépris pour les animaux férals est lié au mépris pour les animaux domestiques exprimé par nombre d’environnementalistes, même s’ils apprécient les produits des industries de la viande et de la laine, causes de dommages à l’environnement et bio-uniformes. Par exemple, les écologistes profonds ont soutenu que le développement de l’agriculture avait initié une séparation regrettable entre les humains et la « nature »
1. Soule, M. and Noss, R., 1998, “Rewilding and Biodiversity : Complementary
Goals for Continental Conservation”, Wild Earth 8, p.18-28.