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Tuer les animaux qui ne cadrent pas...8


et que les animaux domestiques, à la fois processus et produits de l’agriculture, ne pourraient donc  jamais  être acceptés comme faisant partie  de la « wilderness » (1)Défendant leurs pratiques contre les critiques selon lesquelles les zones restaurées sont des artéfacts humains (2), les restaurationnistes affirment qu’ils ne contrefont pas la nature, mais qu’ils la favorisent. « Toute restauration est un artéfact à partir du moment où elle est délibérément organisée, mais elle cesse graduellement de l’être lorsque la nature revient spontanément – si les humains renoncent et laissent la nature reprendre son cours »(3). Les restaurationnistes déplorent, cependant, le processus naturel qui survient lorsque les humains « renoncent » et abandonnent leurs espèces domestiques (leurs artéfacts), et lorsque la nature spontanée reprend son cours et que ces espèces survivent et prospèrent. Nombre d’environnementalistes sont d’accord avec le commentaire moqueur de J. Baird Callicott selon lequel les animaux de ferme « ont été sélectionnés pour être dociles, obéissants, stupides et dépendants. » Ils ne pourraient pas vivre à l’état sauvage, pense-t-il. Abandonnés, ils ne pourraient pas supporter d’être libres et « passeraient leur temps autour des bâtiments d’élevage attendant tristement d’être abrités et nourris. La plupart mourraient de faim » (4). Curieusement, les environnementalistes définissent souvent nos obligations envers les espèces animales à partir d’hypothèses selon lesquelles un animal éprouverait ou pas du plaisir à être libéré de notre contrôle. Nous sommes incités à prendre en considération les intérêts des bisons et des aigles, qui errent ou planent librement ; pourtant, les bovins et les poulets ne méritent que du dédain. En fait, dans nos élevages industriels modernes, nous confinons les poulets dans des bâtiments surpeuplés et sans fenêtre, les empêchons d’exprimer leur comportements naturels, et ensuite nous les méprisons parce qu’ils ne sont pas libres. Karen Davis, dans un article sur les poulets d’élevage industriel, observe que nous persécutons nos victimes, et justifions nos mauvais traitements envers elles en soutenant qu’elles ne méritent pas de considération morale car elles sont les créatures stupides, fragiles que nous en avons fait (5). Ils renoncent au droit à la considération morale dès lors qu’ils nous laissent les exploiter et déposséder de leurs caractéristiques « sauvages » et « naturelles » (6). Les environnementalistes dénigrent les espèces domestiques en raison de leur dépendance et de leur faiblesse supposées (qui autrefois étaient pour nous une source de confort) et chérissent les espèces sauvages que, jusqu’à très récemment, nous tuions parce qu’elles étaient « inadaptées » et, comme l’a dit Frank Mayer « ne pourraient pas être domestiquées ni contrôlées ». Et, si les chasseurs de bisons ont qualifié leurs proies de stupides, paresseuses et maladroites, peut-être pour justifier leur abattage, les environnementalistes comme Callicott utilisent des termes semblables pour légitimer leur violence et refuser la considération morale aux animaux.

Nous sommes responsables d’avoir mis des espèces domestiques dans un environnement étranger et maintenant, parce qu’elles y sont, nous les méprisons car leur présence ne s’accorde pas avec le concept de wilderness et de nature que nous avons commencé récemment à chérir. Et, pourtant les moutons et les cochons abandonnés sur l’île de Santa Cruz ont démenti les commentaires de Callicott au sujet de la stupidité et de la dépendance. Ils ont démontré une capacité impressionnante à survivre alors que leurs ancêtres avaient été « abîmés » par des milliers d’années d’élevage, et ils méritent notre respect si nous sommes sincères lorsque nous professons de la considération pour les processus naturels. Si, de plus, il peut être prouvé que nous ne pouvons pas protéger les intérêts des espèces précolombiennes ou promouvoir la biodiversité à moins de limiter ou de supprimer peu à peu le pâturage des animaux férals (7), il y a des méthodes moins violentes pour réduire les populations de moutons et de cochons, comme la stérilisation chimique (8). Non seulement les méthodes non violentes de contrôle des animaux apporteraient une réponse aux problèmes moraux que pose le fait de causer des morts douloureuses, mais une réduction graduelle des populations apporterait aussi une réponse pratique à la gestion des  plantes importées qui avait  auparavant  été  éliminées  par  le pâturage (9). Je ne 



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1. Foreman, D., 1991, Confessions of an Eco-Warrior, Crown Trade Paperbacks, New York, p. 69.
2. Elliot, R., 1982, “Faking Nature”, Inquiry, 25, p. 84 ; Katz, E., 2000, “The Big Lie. The Human Restoration of Nature” in Environmental Restoration. Ethics, Theory, and Practice, ed. W. Throop.Amherst, NY,  Humanity Books, p. 85.
3. Rolston, H., 1994, Conserving Natural Value, New York,  Columbia University Press, p. 91.
4. Callicott, J.B., 1980, “Animal Liberation: A Triangular Affair”,  Environmental Ethics 2, p.311-338.
5. Davis, K., 1995,  “Thinking Like a Chicken.In Animals and Women”, 192-212, eds. Carol J. Adams and Josephine Donovan. Durham.
6. Budiansky, S., 1992,  The Covenant of Nature Why Animals Chose Domestication. New York.
7. Sur la fragilité des écosystèmes insulaires, Simberloff, D., 1994,  “Conservation Biology and Fragility of Island Ecosystems” in  The Fourth Califronia Islands Symposium, eds. W.L. Halvorson and G.J. Maender. Santa Barbara, p. 1-10
8. Kirkpatrick, J.K., Turner, J.W., Liu, I.K., Fayrer-Hosken, R., 1996, “Applications of pig zona pellucida immunocontraception to wildlife fertility control”, Journal of Reproduction and Fertility, Supplement 50, p.183-189.
9. Brenton, B. and Klinger, R., op. cit.